Phèdre

3     Le retour de Thésée: la faute et le blâme

La terreur et la pitié 

phèdre
Ah! que l’on porte ailleurs les honneurs qu’on m’envoie.
Importune, peux-tu souhaiter qu’on me voie ?
De quoi viens-tu flatter mon esprit désolé ?
Cache-moi bien plutôt, je n’ai que trop parlé.
Mes fureurs au-dehors ont osé se répandre.
J’ai dit ce que jamais on ne devait entendre. (l. 737–42)

La continuité

La dramaturgie de Racine fait preuve d’une concentration marquée : les scènes, comme nous l’avons vu, se succèdent d’une manière continue, tout en plongeant le spectateur dans des échanges déjà amorcés, surtout au début de chaque acte. Dans certaines mises-en-scène, les décors renforcent cet effet, comme en témoigne Jean-Louis Barrault en évoquant sa propre mise-en-scène à la Comédie française en 1942 (à 1m 30s).

Il n’est plus temps

phèdre
Il n’est plus temps. Il sait mes ardeurs insensées.
De l’austère pudeur les bornes sont passées.

Toi-même, rappelant ma force défaillante,
Et mon âme déjà sur mes lèvres errante,
Par tes conseils flatteurs tu m’as su ranimer.
Tu m’as fait entrevoir que je pouvais l’aimer.
(l. 765–72)

l’indigne aveu

œnone
Il faut d’un vain amour étouffer la pensée,
Madame. Rappelez votre vertu passée.
Le Roi, qu’on a cru mort, va paraître à vos yeux ;
Thésée est arrivé, Thésée est en ces lieux. […]

phèdre
Mon époux est vivant, Œnone, c’est assez.
J’ai fait l’indigne aveu d’un amour qui l’outrage,
Il vit. Je ne veux pas en savoir davantage. (l. 825–34)

Mon zèle

phèdre
Moi, que j’ose opprimer et noircir l’innocence !

œnone
Mon zèle n’a besoin que de votre silence. (l. 893–94)

Le retour de Thésée

thésée
La fortune à mes vœux cesse d’être opposée,
Madame, et dans vos bras met…

phèdre
                              Arrêtez, Thésée,
Et ne profanez point des transports si charmants.
Je ne mérite plus ces doux empressements.
Vous êtes offensé. La fortune jalouse
N’a pas en votre absence épargné votre épouse.
Indigne de vous plaire et de vous approcher,
Je ne dois désormais songer qu’à me cacher. (l. 913–20)

Parlez

Que dis-je ? Quand mon âme, à moi-même rendue,
Vient se rassasier d’une si chère vue,
Je n’ai pour tout accueil que des frémissements :
Tout fuit, tout se refuse à mes embrassements.
Et moi-même, éprouvant la terreur que j’inspire,
Je voudrais être encor dans les prisons d’Epire.
Parlez. Phèdre se plaint que je suis outragé.
Qui m’a trahi ? Pourquoi ne suis-je pas vengé ?
Entrons. C’est trop garder un doute qui m’accable.
Connaissons à la fois le crime et le coupable.
Que Phèdre explique enfin le trouble où je la voi. (l. 973–87)